Parents et autorité

Vous avez sans doute constaté comme moi que la nouvelle génération de parents a de la difficulté à exercer l’autorité vis-à-vis leurs enfants. À titre d’exemples, des parents négocient avec un enfant de trois ans;  ou encore, les sempiternelles résistances de l’enfant  pour s’habiller et déjeuner à l’intérieur des limites de temps de l’horaire familial.

Vous avez probablement observé avec consternation des enfants qui se roulent sur le sol en faisant des crises dans des lieux publics ou encore, en prenant un repas au restaurant, vous avez été témoins d’enfants qui agissent comme s’ils étaient à la maison sans que les parents interviennent.

Les parents d’aujourd’hui ont un très grand souci de bien effectuer leur tâche de parents. Ils se préparent de longue main, lisent de nombreux livres sur le sujet pour être plus compétents. Il est évident que la bonne volonté est là. Par ailleurs, il est connu qu’un bon encadrement de l’enfant est nécessaire à son développement. L’autorité contribue à cela. Pourquoi alors cette difficulté à exercer l’autorité?

Pour pouvoir exercer l’autorité il faut remplir certaines conditions. D’abord être convaincu que l’autorité est une bonne chose. Deux, que nous avons de façon légitime cette autorité. Trois, pour l’exercer avec fermeté, il faut avoir une vue claire de ce qui est bon et mauvais pour l’enfant.

Dans les sociétés occidentales il s’est produit un changement dans le monde des idées qui risque de miner ces trois conditions. Nous évoluons dans une société qui accepte de plus en plus que chacun a sa vérité. Même si des idées sont diamétralement opposées, nous nous devons de respecter chacune d’elles. Ceux qui affirment défendre la vérité font peur. C’est ce qu’il est convenu d’appeler le relativisme culturel. Cette attitude dans la recherche de la vérité donne avant tout priorité à l’individu. Il ne faut pas se surprendre que tant de choses dans notre société tournent autour de l’importance de l’Individualité. Une conséquence parmi d’autres du relativisme, c’est qu’on ne reconnaît plus le bon sens comme étant une mesure et un guide pour accéder à une connaissance certaine. Le bon sens est vu comme quelque chose de plus fort que l’individu, ce dont on ne veut pas entendre parler.

En raison du relativisme les jeunes parents entendent des points de vue qui présentent l’autorité comme étant essentiellement une menace au développement de l’individu. Dans une société qui valorise l’individu, les droits individuels, qui se donne comme idéal d’être soi-même, il ne faut pas se surprendre que l’autorité soit mal vue. Comment avoir le goût d’exercer une autorité même légitime dans une société qui a une telle façon de voir la vie? Certains adultes en ajoutent en racontant à quel point la société autoritaire de jadis a laissé des blessures.

Quand l’idéal d’être soi-même trône, que toute l’organisation de la société se fait en fonction des besoins individuels, il devient difficile pour un parent de croire qu’il a le droit d’interférer dans la vie individuelle d’un autre, même si celui-ci est son enfant. Dans cette valorisation de l’individualité, il y a cette idée sous-entendue que seul l’individu sait ce qui est bon pour lui. Tout intervenant de l’extérieur devient un usurpateur. De là à se sentir coupable de se mêler de la vie de son propre enfant, il n’y a qu’un pas à franchir.

Enfin même si ces obstacles aux deux premières conditions de l’exercice de l’autorité étaient surmontés, il reste toujours la troisième : pour être ferme, il faut avoir une connaissance claire de ce qui est bon et mauvais pour son enfant. C’est sans doute ici que le relativisme affecte directement l’exercice de l’autorité. Un jeune parent en a assez de se disputer le matin avec son enfant au sujet de l’habillement et du déroulement du déjeuner. Le bon sens lui suggère de mettre ses culottes pour mettre fin à ce manège. Au moment même où il s’apprête à agir en ce sens lui reviennent à l’esprit toutes les opinions entendues en société qui modèrent aussitôt sa détermination. Certains soutiennent que de décider à la place de son enfant ce qu’il doit porter comme vêtement brime l’expression de son individualité, le grand but de l’éducation, selon eux.

Nous pourrions passer en revue une foule d’exemples et faire le même type d’analyse. La diversité des vues est en soi une richesse bien qu’elle puisse être source de confusion pour les parents. Cette confusion risque de s’aggraver si on ne reconnaît plus au bon sens le pouvoir de nous venir en aide pour faire la part des choses dans cette diversité. Un parent ne peut être ferme que lorsqu’il est persuadé que telle chose est bonne ou mauvaise pour son enfant. Nous en avons pour preuve la fermeté des parents lorsque la sécurité de l’enfant est en jeu. La culture relativiste vient mettre en doute l’existence de ce qui est bon ou mauvais pour l’enfant. Il y aura toujours un spécialiste, une autorité pour soutenir les points de vue les plus extrêmes. Comment avoir pleine confiance à son jugement de parent quand des sommités réelles ou supposées affirment un point de vue opposé?

Je suis de plus en plus convaincu qu’il y a un lien direct entre le relativisme culturel de notre société et la baisse de la capacité des parents à exercer une autorité légitime et nécessaire à l’égard de leurs enfants. Il existe d’autres explications à cette difficulté d’exercer l’autorité. D’abord la personnalité des parents. Certains ont plus de difficulté que d’autres à entendre leur enfant pleurer, en particulier ceux qui veulent à tout prix que celui-ci ait un bon souvenir de son enfance. La culpabilité peut y être pour quelque chose, etc. Tout en ne prétendant être exhaustive, cette explication a le mérite de mettre en lumière pourquoi ce comportement est si généralisé de nos jours.

John White, Québec

 

2 réflexions sur « Parents et autorité »

  1. Est-on en droit de demander ce qu’apporte l’autorité ? Vous la prônez sans la défendre. Votre développement est bon (attention, subjectif !) mais vous ne dites pas pourquoi les parents se doivent d’être autoritaires. Nous parlons bien ici de philosophie, donc d’ouverture d’esprit, seriez vous un chouilla nostalgique du temps des enfants battus pour avoir parlé à table ?

  2. Mais non.
    Moins l’autorité est naturelle, et plus il y a de problèmes.
    L’autorité n’est pas naturelle quand on est des parents, même pas de seconde main, mais de 10e, 100e main à force d’avoir gobé les boniments des autres sur l’éducation (médias, publications etc). L’enfant devient l’objet d’application d’un savoir, d’une méthode étrangers. Il est très content !
    L’autorité n’est pas naturelle quand elle est fausse, hypocrite. Quand on met par exemple, le désir au premier plan, mais qu’on ne veut pas que son enfant ait des désirs. Quand on met l’égoïsme au premier plan mais que l’on ne veut pas que son enfant soit égoïste. Quand on met la rationalité au premier plan mais qu’on ne veut pas que son enfant devienne rationnel.

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