S’il était question de la mère, la réponse viendrait d’emblée, tellement son rôle est évident. Dans le cas du père certains affirment pouvoir s’en passer. Pourtant un simple rappel de quelques facettes de la paternité suffit pour se convaincre du contraire. Vous comprendrez comme moi que lorsque je fais des différences entre les sexes cela ne signifie pas que tous les hommes et toutes les femmes agissent ainsi, ce qui ne fait pas de sens. Par contre, nier les différences n’est guère mieux. Ces différences s’appliquent dans la plupart des cas, prenant pour acquis qu’il y a bien des exceptions.
La mère a la pleine certitude de sa maternité. Le père quant à lui, tout en ayant des motifs raisonnables de croire en sa paternité en raison de la vie commune, doit s’en remettre en bout de compte au témoignage de sa conjointe. De plus, la mère développe un lien privilégié avec son enfant durant sa grossesse. Elle le fait de sa propre chair, elle le connaît à l’avance et accepte de nombreux sacrifices pour lui. Son amour, en plus de s’appuyer sur la certitude d’être à l’origine de l’enfant, s’accroît pour ces trois raisons. Il est bien connu que nous aimons davantage ce que nous avons fait nous-mêmes, ce que nous connaissons bien et ce pourquoi nous avons accepté de faire des sacrifices. D’où son lien naturel, fort, difficile à dissoudre et inconditionnel envers son enfant.
Mettre sa pleine confiance dans le témoignage de sa conjointe devient l’Incontournable porte d’entrée de l’homme dans son rôle de père. Il y a déjà là une forme de sacrifice à accepter d’être privé de l’évidence dont la femme jouit et, également, de la grandeur d’âme à s’en remettre à la parole de l’autre dans une matière aussi importante. En raison de cette confiance l’homme a la certitude morale d’être à l’origine de son enfant. Par contre, sa contribution à la naissance de l’enfant ne peut se comparer à celle de la mère. Il connaît son enfant davantage de l’extérieur et seulement dans la mesure où il seconde sa conjointe durant la grossesse. Les sacrifices que la grossesse lui impose, tout en étant bien réels, ne se comparent en rien à ceux que sa femme doit accepter.
Au terme, le père aime son enfant, comme en témoigne sa fierté d’être père. Sa paternité ayant commencé par un acte de foi, lui donne un lien réel mais moins naturel, plus spirituel en quelque sorte avec son enfant. Il n’a pas spontanément un lien aussi intense que la mère pour des raisons évidentes. Le père n’ayant pas un lien aussi naturel et intense a un peu plus de facilité à se détacher de son enfant. D’où une autre conséquence : sa tendance à développer un lien plus conditionnel. Comme s’il disait : je t’aimerai dans la mesure où tu t’en montreras digne.
Ces quatre caractéristiques du lien paternel semblent des faiblesses, elles sont pourtant des forces au service du développement de l’enfant. Voyons comment.
Le lien plus naturel permet à la mère d’être plus proche de ses enfants et de s’identifier à eux. Sa grande sensibilité lui permet d’avoir l’attention méticuleuse requise pour nourrir, soigner et assurer leurs différents besoins. Le père doit, dans un premier temps, se contenter de veiller à ce que rien ne manque, à seconder la mère et les protéger. La proximité et la sensibilité de la mère peuvent, si la peur s’en mêle, la pousser à surprotéger ses enfants. Dans ce cas la distance affective du père lui permet de faire un heureux contrepoids, sinon l’enfant risquerait d’être paralysé par trop d’inquiétudes.
Le père a un plus grand besoin d’agir et de comprendre, ce qui le rend plus entreprenant. Par exemple, il a davantage besoin de jouer avec ses enfants. Les activités extérieures à la famille prennent une plus grande place dans sa vie et il souhaite les faire partager à ses enfants dans la mesure du possible. Ce faisant, il prépare ses enfants à la vie adulte et renforce la croyance en leur capacité de résoudre les difficultés de la vie.
D’autre part, le lien unique et très fort de la mère lui insuffle une grande motivation à veiller au bien de ses enfants. Sa grande sensibilité lui permet d’avoir le doigté nécessaire pour toucher leurs cœurs. Elle court cependant le risque d’être plus fermée à tout ce qui ne se rapporte pas à ses enfants et de croire les connaître à fond, d’où, dans les deux cas, sa difficulté d’être impartiale en ce qui les concerne. Le rapport plus spirituel du père a l’avantage de lui permettre d’avoir de la distance par rapport à ses enfants, d’entretenir son amour des autres réalités de sa vie, ce qui contribue à le rendre plus impartial face à ce qui les regarde. Le lien intense de la mère combiné à sa grande sensibilité risque de la rendre plus émotive, passant davantage pas des hauts et des bas. Le père n’ayant pas ces deux traits garde plus facilement la juste mesure ce qui pacifie le climat familial.
Le lien quasi indissoluble de la mère explique qu’elle n’abandonnera pas facilement ses enfants. Il a cependant pour conséquence qu’elle a plus de difficulté à effectuer les divers détachements qu’exige la saine évolution de l’enfant. Le père au contraire apprécie davantage ses enfants à mesure qu’ils grandissent. Il aide donc sa conjointe à effectuer ces passages, il fait en sorte que l’enfant vole plus tôt de ses propres ailes.
L’amour inconditionnel de la mère procure à l’enfant une grande sécurité, en fait l’ambassadrice de la douceur et convient tout à fait à l’éducation d’un jeune être sujet à commettre bien des erreurs. Cette façon d’aimer incite cependant à trop d’indulgence, ce qui a pour effet de miner son autorité. L’amour plus conditionnel du père oblige davantage l’enfant à faire des efforts, à devenir combatif. Le père risque moins de verser dans l’excès d’indulgence.
Cela dit, chacune des caractéristiques du père comporte également son lot d’excès possibles, par exemple son détachement peut conduire certains à négliger leurs enfants, etc.
Il ressort de ce texte la grande complémentarité de l’homme et de la femme. Les différences mentionnées s’appuient sur un donné naturel, soit le lien biologique différent du père et de la mère qui entraîne une relation différente à l’enfant.
Oui, le père a un rôle important dans le développement de l’enfant.
John White