Guerre et religion

Que penser de l’opinion suivant laquelle la religion serait un terreau propice à fomenter les guerres puisque ses membres versent facilement dans le fanatisme. Cet énoncé affirme deux choses. Un, la religion cause la guerre; deux, un croyant devient facilement fanatique. Bien que l’énoncé ne le précise pas ceux qui avancent cette opinion, étant occidentaux pour la plupart, ont en tête la religion chrétienne.

Cette religion reconnait un Dieu personnel qui mérite notre adoration, exige de ses fidèles de devenir meilleurs de sorte qu’ils puissent s’aimer les uns les autres. Ces traits disposent-ils à la guerre?

Une religion de cette sorte rend-elle pacifique ou belliqueux? Le croyant place sa vie sous le regard de Dieu. Se mettre en relation avec un Être suprême a comme effet d’élever l’esprit et la volonté de celui qui lui est subordonné. Au lieu de limiter son horizon à son monde, il accède à la perspective plus vaste de Dieu. Les soucis du quotidien, de la santé, la recherche des honneurs, des plaisirs et des biens matériels sont mis dans une juste perspective lorsque confrontés à l’univers plus vaste de la volonté divine. Le croyant agrandit son âme et s’attache à une réalité autre que le quotidien et, parvient petit à petit à se détacher des biens qui ne méritent pas d’avoir toute son affection. Or, l’histoire montre que les guerres proviennent principalement du désir de posséder ce que l’autre a, de la jalousie, de l’ambition, du désir de se venger, de l’insécurité.  Autant de défauts que la croyance en Dieu tempère pour autant qu’elle incite à voir au-delà de sa seule personne et de ses propres biens. La religion pacifie l’humain en lui donnant un horizon autre que son moi et en le détachant de biens propices à engendrer des conflits. Ces biens de leur nature ne peuvent être possédés par  plusieurs en même temps (par exemple, une même portion de terre ne peut appartenir à plusieurs). La religion met de l’ordre dans ce à quoi l’homme s’attache et, ainsi, l’éloigne de l’attitude belliqueuse.

Passons au second trait : devenir meilleur rend-il pacifique? Poser la question c’est déjà y répondre en partie. Toute éducation cherche à rendre meilleur, en quoi la religion se distingue-t-elle? La religion met la barre plus haute. Elle ne se limite pas aux qualités requises pour la vie domestique ou sociale, mais exige en plus toutes celles qui sont nécessaires pour entrer dans l’univers de Dieu. Or Dieu étant plus grand désire un bien plus vaste que nous. Une morale simplement humaine n’ira pas jusqu’à demander de pardonner soixante-dix-sept fois sept fois. D’aimer ses ennemis, de prier pour ceux qui nous persécutent. Ainsi la religion présente un objectif plus élevé permettant à l’humain de donner le meilleur de lui-même, de se dépasser en quelque sorte.  La religion peut même augmenter la motivation à devenir meilleur. Toute morale humaine fait appel au sens moral de la personne et à la satisfaction que procure le fait de vivre en harmonie avec les autres. À ces premières motivations la religion ajoute la perspective de plaire à Dieu et la récompense qui s’y rattache. Ainsi la religion parle de l’Importance de croire à la vie avec Dieu. Le croyant a donc deux raisons de s’améliorer.

Voyons maintenant le second énoncé : un croyant devient facilement fanatique. Bien que cet énoncé soit contredit par la simple observation : les fanatiques dans toutes les religions sont nettement minoritaires. Faisons comme si l’énoncé était crédible. La croyance en un Dieu dispose-telle au fanatisme? Selon le Robert le fanatique est animé envers sa religion d’une foi intraitable et d’un zèle aveugle. Concédons au départ que toutes les activités qui se rapportent à un bien important à nos yeux comme la vie de couple, le sport, la politique, la religion incitent celui qui les pratique à les défendre, ce qui s’appelle le zèle. Le partisan d’une équipe sportive défend certes son équipe sans pour autant s’aveugler sur les faiblesses réelles de ses joueurs. Il  n’y a que quelques fanatiques qui outrepassent cette limite.

Mêmes remarques en ce qui regarde le couple, la politique ou la religion. Oui, mais la religion touche à Dieu qui présente une vision globale de la vie, s’y attaquer c’est mettre en cause tout le sens de la vie. Convaincu de l’importance du bien en cause le croyant ne risque-t-il pas d’être, plus facilement que les autres, trop zélé? Le fanatisme est un zèle excessif. Le zèle augmente en proportion de l’importance du bien en cause. Il y a plus de zèle dans la vie de couple et dans la politique que dans le sport sans que l’on soit pour autant fanatique. Il ne faut pas confondre l’ardeur combative du militant politique avec le fanatisme.  Ainsi en est-il en matière de religion. De plus, dans le cas de la religion, certes son contenu est en soi plus important, mais il faut être réaliste. Les croyants véritables ne sont pas nombreux. Il est difficile de croire.  Pensez seulement à toutes ces personnes qui se disent croyantes et qui ne peuvent s’empêcher dans une funérailles de soulever des doutes quant à l’existence d’une vie après la mort («personne n’est venu nous dire comment c’était de l’autre côté»)! La foi ferme n’est pas le lot de la majorité et, par conséquent, le zèle non plus; le fanatisme, encore moins. De plus, ceux qui sont animés d’une foi ferme tentent d’adhérer à la façon de voir de Dieu. Or Dieu demande aux  humains d’être miséricordieux, artisans de paix, tolérants et ouverts. Comment une personne animée de ces valeurs peut-elle agir à la manière d’un fanatique? Le véritable croyant est tout le contraire d’un fanatique.

D’où viennent donc les fanatiques religieux? De la même source que les fanatiques sportifs, amoureux et politiques. Des personnes qui compensent des manques importants de leur personnalité par l’activité dans laquelle ils se projettent. L’expérience montre que les personnes ayant de sérieux problèmes personnels ont plus de chance de verser dans le fanatisme. Le bien de l’activité dans laquelle il s’engage est surévalué en raison de son besoin de compenser. Pour cette raison, il se sent autorisé à agir comme il le fait. La religion n’est alors qu’un paravent. En somme, les fanatiques religieux sont bien peu religieux et relèvent bien plus de la psychopathie.

Ceci dit il ne faut pas mettre toutes les religions sur le même pied et conclure que le contenu de chacune s’équivaut en ce qui regarde la propension à la guerre. Une religion qui encourage la vengeance prépare le terrain à la guerre. La croyance athée affirme que la vie n’a pas de but, elle autorise chacun à suivre sa volonté. Cette croyance ouvre la porte aux conflits. Un esprit éclairé pourra faire la part des choses en analysant le contenu de chacune des différentes croyances.

John White, Québec

 

2 réflexions sur « Guerre et religion »

  1. Je trouve ça intéressant de dire que la religion n’entraine pas de guerre. Si on prend l’exemple de la Saint Barthélemy, vous m’excuserez de mon scepticisme, mais c’est pas sorti du chapeau d’un magicien ou une décision d’une personne athée (même si cela ne date pas d’aujourd’hui, il me semble que les textes bibliques sont restés inchangés).

    Il y a aussi un aspect qui me dérange dans la religion. Si je suppose que Dieu existe etc, vous dites que Dieu amène les croyants à devenir meilleur mais si les croyants ne suivent pas correctement ce chemin, ils finiront en enfer en train de se consumer dans d’atroces souffrances… Alors à moins d’être masochiste, toute personne saine d’esprit ne s’aventuerait pas dans le mauvais chemin donc finalement devenir meilleur c’est surtout sauver sa peau, je le vois comme une menace de Dieu et non un guide divin (même si ses valeurs sont tout à fait louables) et donc où s trouve la liberté dans tout ça? La liberté de choisir ou non de suivre la doctrine de la religion? La liberté d’aimer son prochain (référence aux homosexuels qui sont reniés de bien des religions), c’est pas une des valeurs d’ailleurs du catholicisme d’aimer son prochain? Alors pourquoi les persécuter ? Vous parlez de croyance mais en fait il ne suffit pas de croire que Dieu existe pour rentrer dans cette catégorie, il faut se plier à des règles, se soumettre à des dirigeants qui font leurs lois comme des dirigeants politiques et être dans les normes. Je ne comprend pas qu’on puisse adorer un être qui est bien différent de l’être humain et ne pas accepter (et seulement accepter) des êtres humains qui sont aussi différents à leurs manières.

    Un fanatique religieux n’est pas un religieux puisqu’il possède des troubles psychiques? Donc quelqu’un atteint d’un retard mental ou d’une trisomie ne peut être croyant? Je ne savais pas que la religion était aussi restrictive en matière de sélection de ses croyants, mis à part les homosexuels. Sinon la religion et ses dirigeants privilégient les riches, après tout on est pas à quelques discriminations près.

  2.  »La croyance athée affirme que la vie n’a pas de but, elle autorise chacun à suivre sa volonté. Cette croyance ouvre la porte aux conflits. Un esprit éclairé pourra faire la part des choses en analysant le contenu de chacune des différentes croyances. » J’extrais les trois dernières phrases du dernier paragraphe du texte de M.White. Pourquoi? Il y va d’une affirmation pour le moins contestable, à savoir la première phrase: c’est ne rien comprendre à l’athéisme que d’abouter le substantif  »croyance » et le nom attribut  » athée ». L’athéisme n’est pas une croyance. L’athée se méfie du verbe  »croire ». Il privilégie les  »Je pense »,  »Je constate », etc. Il est absurde et intellectuellement faux de prétendre que l’athée croit ne pas croire; c’est d’ailleurs un lieu commun à propos de l’athéisme que d’affirmer que c’est une croyance parmi tant d’autres. C’est au contraire une posture intellectuelle, philosophique, critique de la position de tous ceux qui postulent un credo ou un autre. L’athée est dans le doute, il est sceptique, il est cartésien dans le meilleur sens du terme. Il ne croit pas. Ensuite, la deuxième phrase de M. White est malheureuse: l’athéisme (cette croyance?) serait dangereuse, car il  »ouvre la porte aux conflits »? Voilà un argument spécieux. J’ai envie de répondre: pour plus que les croyances de toutes sortes dont nous entretient M.White. Une posture intellectuelle, celle de l’athée en l’occurence, prêterait flanc aux conflits? Plus que toute autre démarche? Enfin, pour terminer,  »un esprit éclairé » ne serait-il pas aussi un athée, non-croyant en tout, sceptique devant le vaste champ du connaissable? M.White devrait s’enquérir de ce que peut être un athée avant de procéder, pour utiliser un mot très à la mode, aux amalgames.

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